Notes à l'école : faut-il les supprimer ?

Depuis plusieurs années, la notation scolaire suscite des débats passionnés. Certains y voient un outil indispensable à l’évaluation et à la progression. D’autres, au contraire, l’accusent de stigmatiser, de fragiliser, et de nuire à l’estime de soi des élèves. Faut-il alors supprimer les notes à l’école ? Rien n’est moins sûr.


Des résultats peu objectifs ?


La docimologie – du grec *dokimé* (épreuve) et *logos* (étude) – est la discipline qui analyse le processus d’évaluation. Ses travaux montrent que les notes, même dans des matières réputées objectives comme les mathématiques, dépendent de nombreux facteurs : le statut social de l’élève, son comportement, l’impression laissée au professeur, voire l’heure de la correction. Autrement dit, la qualité réelle d’un devoir n’est pas toujours reflétée fidèlement par la note obtenue. Cette part de subjectivité interroge sur la fiabilité du système.


Un système critiqué, mais toujours en place


En France, les notes ne sont pas officiellement supprimées, ni à l’école élémentaire ni au collège. Les équipes pédagogiques disposent d’une certaine liberté. Pourtant, plusieurs études, dont une du CNRS, suggèrent que leur suppression partielle réduirait les inégalités scolaires entre les classes sociales. En effet, les familles favorisées disposent de plus de ressources – temps, soutien, cours particuliers – pour accompagner leurs enfants face aux exigences de l’évaluation.


Les partisans de la suppression des notes dénoncent aussi leur impact psychologique. Selon eux, elles détruisent la confiance en soi des élèves, en particulier des plus fragiles, et cela peut avoir des répercussions durables, même à l’âge adulte.


Des repères et une stimulation


Mais la notation a aussi ses défenseurs. Elle donne des repères concrets et facilement compréhensibles sur le niveau d’un élève dans une discipline. Elle permet de détecter les forces et les faiblesses, d’adapter les apprentissages et de guider les choix d’orientation. Sans note, comment savoir si un élève est mieux préparé pour une filière littéraire ou scientifique ? Comment juger de l’évolution ou des progrès au fil des trimestres ?


Plus encore, la note peut agir comme un moteur. L’émulation qu’elle suscite pousse certains à se dépasser. Il ne s’agit pas ici d’humilier les élèves en difficulté, ni de les exposer au regard moqueur de leurs camarades. Bien au contraire, l’évaluation devrait être accompagnée d’un regard bienveillant, d’un accompagnement individualisé et d’encouragements. Mais faut-il pour autant bannir la compétition ?


Compétition, méritocratie et esprit de conquête


On reproche souvent aux notes de promouvoir un esprit de compétition. Et alors ? Les sportifs ne sont-ils pas célébrés pour leur combativité ? Leurs performances sont jugées, comparées, classées. Le public les applaudit, les sponsors les rémunèrent. Pourquoi ce qui est valorisé dans le sport serait-il rejeté dans l’école ?


Former les élèves à la persévérance, à l’effort, à la capacité de se relever après un échec, c’est leur donner des clés pour réussir. À l’inverse, une école sans note, sans exigence, sans classement, risque d’instaurer un égalitarisme mou où plus personne ne se distingue. Une égalité dans la médiocrité.


Et dans la vie adulte ?


Ironie du sort : ceux qui militent pour la fin des notes à l’école sont souvent les premiers à en attribuer dans la vie quotidienne. Un plat, une expérience, un achat en ligne : tout est noté. Les entreprises vivent sous le régime permanent des étoiles, des avis clients, des scores de satisfaction. Certes, Google a récemment supprimé les notations pour les collèges, les lycées et les professeurs. Mais dans la restauration, le commerce ou les services, les professionnels continuent de subir les commentaires parfois injustes et anonymes.


Alors, pourquoi faudrait-il épargner aux élèves ce que les adultes considèrent comme normal dans le monde du travail ? N’est-ce pas les préparer à cette réalité que de leur apprendre à affronter une évaluation, à s’en servir comme levier de progression ?


Travailler sur le jugement, pas sur la note


Le véritable problème n’est peut-être pas la note elle-même, mais le jugement qui l’accompagne. Un 5/20 peut être un signal d’alarme constructif s’il s’accompagne d’une analyse, de conseils, d’un plan de remédiation. Un 15/20 ne doit pas flatter, mais encourager à approfondir. Ce sont les mots, l’attitude, l’accompagnement des adultes qui donnent sens à la note. Ce n’est pas la suppression du thermomètre qui fera baisser la fièvre.